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L’immeuble d’habitation du débiteur retiré reste insaisissable (Cass. com., 11 septembre 2024, n° 22-13.482)

[09/10/2024]

L’immeuble d’habitation du débiteur retiré avant l’ouverture de sa procédure collective reste insaisissable tant qu’existent des créanciers auxquels l’insaisissabilité légale reste opposable.

Au visa de l'article L. 526-1 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, la Cour de cassation juge que « Selon ce texte, l'insaisissabilité de plein droit des droits de la personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité de cette personne. Il en résulte que les effets de l'insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l'activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin, par elle-même, à ses effets ».

La solution ne surprend pas. En effet, elle avait déjà été posée dans le domaine voisin de la déclaration notariée d’insaisissabilité : les effets de l’insaisissabilité résultant de la déclaration notariée subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration notariée, dès lors qu’il existe encore au moins un créancier auquel l’insaisissabilité est opposable . En conséquence, le liquidateur ne peut saisir l’immeuble au motif de la cessation d’activité du débiteur [3]. Il s’agit donc d’une transposition au cas de l’insaisissabilité légale de la solution posée pour la déclaration notariée d’insaisissabilité.

Pour autant, il y avait bien deux façons d’aborder la question.

On pouvait d’abord partir de l’idée que le bénéfice de l’insaisissabilité légale ne profite qu’aux entrepreneurs individuels. Que l’activité de l’intéressé cesse et sa protection cesse. C’était la vision de la cour d’appel de Bordeaux.

La Cour de cassation a une autre approche. Elle raisonne à partir des créanciers auxquels l’insaisissabilité légale est opposable, c’est-à-dire les créanciers dont la créance est née après l’entrée en vigueur de la loi « Macron » du 6 août 2015, soit le 7 août 2015. Dès lors que l’insaisissabilité fonctionne, elle a la même durée de vie que les créances des créanciers auxquels elle est opposable. Il y a donc une insaisissabilité à l’égard des créanciers professionnels aussi longtemps que durent leurs créances. La cessation d’activité de l’entrepreneur individuel est absolument sans effet sur l’insaisissabilité.

Encore faut-il préciser qu’il suffit qu’une seule personne soit encore créancière dans un cadre professionnel, pour une créance née à compter du 7 août 2015, pour que l’immeuble ne puisse être soumis à l’effet réel de la procédure collective, et ne puisse, par conséquent, constituer un élément du gage commun susceptible d’être appréhendé par la procédure collective. On rappelle, en effet, que, dans cette approche de la notion de gage commun, la Cour de cassation considère que le gage commun est celui qui peut être saisi par tous les créanciers et non pas le gage appartenant au créancier vulgus. Qu’un seul créancier soit privé du droit de saisir l’immeuble, et le bien cesse d’être un élément du gage commun, et échappe en conséquence à l’emprise de la procédure collective, à son effet réel.

Les deux approches avaient leur mérite respectif. Il était loin d’être sot de lier la durée de l’insaisissabilité à la durée de l’activité déclenchant la protection.

La Cour de cassation a eu une autre approche, plus protectrice du débiteur, en assurant une insaisissabilité beaucoup plus longue, comme elle l’avait fait en matière de déclaration notariée d’insaisissabilité. Donc acte.

Dès lors, en l’espèce, au regard de la vision retenue par la Cour de cassation, la cour d’appel de Bordeaux ne pouvait qu’être censurée en validant l’autorisation donnée par le juge-commissaire au liquidateur de vendre aux enchères l’immeuble d’habitation du débiteur retiré. En confirmant la décision du juge-commissaire, qui s’était octroyée une prérogative qu’il n’avait pas et qui, ce faisant, avait commis un excès de pouvoir, la cour d’appel a elle-même commis un excès de pouvoir.

La cassation de l’arrêt d’appel était par conséquent inévitable. Et puisque la Cour de cassation censure au motif d’un excès de pouvoir, elle annule l’ordonnance du juge-commissaire renfermant le dit excès de pouvoir.

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