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Conciliation : la confidentialité de la procédure couvre tant la décision d'ouverture et son existence que son contenu (Cass. com., 3 juillet 2024, n° 22-24.068)

[27/08/2024]

L’ouverture d'une procédure de conciliation est une information confidentielle que la banque ne peut utiliser pour justifier une déclaration de défaut, peu important que cette information lui ait été révélée par le bénéficiaire de cette procédure, de sorte qu'en procédant à une telle déclaration de défaut, la banque cause un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

Faits et procédure.

 Une société a obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation à laquelle elle a appelé ses créanciers crédits-bailleurs comptant parmi eux trois filiales de la Société générale.

Quelques mois plus tard, la Société générale a déclaré la débitrice en défaut à la Banque de France. Celle-ci a dégradé le niveau de cotation de la société de 5+ à 6 dans le fichier bancaire des entreprises (FIBEN), jugeant que la capacité de cette entreprise à honorer ses engagements sur trois ans était passée de faible à très faible.

Soutenant que cette déclaration de défaut constituait un trouble manifestement illicite dès lors que la Société générale ne pouvait lui reprocher aucun arriéré ou incident de paiement, et invoquant le caractère confidentiel de l'ouverture de la procédure de conciliation, la société débitrice l'a assignée en référé pour obtenir, sur le fondement de l'article 873 du Code de procédure civile  générale lui a opposé, qu'usant de la marge d'appréciation que lui confère le point 58 du guide d'orientation de l'Autorité bancaire européenne, elle analyse l'ouverture d'une procédure de conciliation comme un signe d'une probable absence de paiement, constitutif d'un défaut au sens de l'article 178 du Règlement UE n° 575/2013, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement.

Arrêt d’appel. 

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 1-2, 12 mai 2022, n° 21/17089) a rejeté les demandes de la débitrice. Elle a en effet retenu que la Société générale n'a pas été appelée à la procédure de conciliation mais en a été informée par le représentant légal de la débitrice lui-même. En outre, selon elle, l'article L. 611-15 du Code de commerce vise à conférer un caractère confidentiel aux informations qu'il couvre indépendamment des personnes qu'il cite et c'est bien l'existence même d'une procédure de conciliation qui a fait l'objet d'un signalement, non le contenu de cette procédure, de sorte que banque n'a pas utilisé une information qu'elle aurait dû conserver comme confidentielle.

La débitrice a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 611-15 du Code de commerce et 873 du Code de procédure civile.

Elle énonce qu’il résulte du premier de ces textes que la confidentialité de la procédure de conciliation couvre tant la décision d'ouverture de cette procédure et son existence que son contenu. Elle est opposable à toute personne qui, par ses fonctions, en a connaissance.

Elle en conclut que l'ouverture d'une procédure de conciliation, qui n'est pas l'un des signes d'absence probable de paiement par le débiteur visés à l'article 178 du Règlement précité, était une information confidentielle que la banque ne pouvait utiliser pour justifier une déclaration de défaut, peu important que cette information lui avait été révélée par le bénéficiaire de cette procédure, de sorte qu'en procédant à une telle déclaration de défaut, la Société générale avait causé un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser. La cour d’appel a donc violé les textes visés.

Observations. 

On rappellera que l’article L. 611-15 s’applique tant à la conciliation qu’au mandat ad hoc, de sorte que la règle ici dégagée est indifféremment applicable à ces deux procédures amiables.

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